Présentation de l'éditeur
Rapprocher les notions de culture et d'illettrisme pourrait paraître paradoxal. Dans les années 1960 et même au-delà, la culture n'était pas encore considérée comme un levier d'action dans la lutte contre l'illettrisme, sauf peut-être par quelques francs-tireurs. Mais l'eau a coulé sous les ponts. L'illettrisme est devenu un problème de société comme dans tous les pays dont la scolarité obligatoire est pourtant ancienne. Il touche aujourd'hui 9 % des personnes adultes se 18 à 65 ans qui, bien qu'ayant été scolarisées en France, connaissent d'importantes difficultés avec l'écrit. Comment le monde de la culture et celui de la lutte contre l'illettrisme collaborent-ils ? Quels sont les effets de cette rencontre sur chacun d'eux ? On peut imaginer aisément que l'action artistique ou culturelle n'a pas pour objet de faire reculer directement l'illettrisme. Mais alors, quel est le sens de son investissement ? Comment les différents secteurs du champ artistique et culturel sont-ils présents autour de cet enjeu ? Comment cerner et rendre lisibles la place et le rôle du champ culturel dans la lutte contre l'illettrisme, les métiers et compétences mobilisés, les démarches et supports utilisés... Tel est l'objet de cet ouvrage qui présente les résultats d'une investigation menée à partir de trois terrains d'enquête : Nancy, Roubaix et le département de l'Ain. [-]

Cette thèse tente de répondre aux questions suivantes : les pratiques culturelles développées dans le cadre de la formation produisent-elles des effets positifs dans l'accompagnement des personnes en situation de réapprentissage des savoirs de base ? Si oui, lesquels ? Comment les analyser et les comprendre ? Elle part de l'hypothèse que s'il y a interaction entre la dimension culturelle et l'apprentissage de l'écrit, les pratiques de développement culturel pourront avoir des impacts positifs sur la formation, l'insertion sociale et/ou sur le projet professionnel de la personne en situation d'illettrisme. La recherche s'appuie sur une méthode qualitative d'analyse de données recueillies lors d'entretiens avec des apprenants-stagiaires d'une part et des intervenants en formation d'autre part afin de cerner ce que les uns et les autres disent de l'apprentissage en lien avec des activités culturelles.[-]

Quel est le rapport entre les opérations de lecture et d'écriture prises dans le champ social de la pédagogie et ces mêmes opérations prises dans le champ de la psychanalyse ? En effet, si l'illettrisme met en avant le défaut d'une compétence à utiliser l'écrit – aussi bien sur le versant de la lecture que sur celui de l'écriture –, la psychanalyse, quant à elle, nous enseigne dès les premiers travaux de Freud que l'inconscient est « lettré » .
Ce livre est le compte rendu d'un colloque organisé en 1991 à Grenoble et pose en premier lieu la question de « l'entrée dans l'écrit ». Utiliser l'écrit comme moyen d'expression, de communication, appréhender un texte comme une possibilité d'articuler sa propre réflexion ou son imaginaire, c'est greffer quelque chose sur un certain rapport au monde, à l'espace, au temps, à l'autre, à la société et à ses hiérarchies, à son passé culturel et symbolique. C'est dans cette perspective que ce colloque interrogeait la psychanalyse puisqu'il s'agit, préalablement à l'apprentissage de l'écrit, de constituer les bases de ce rapport au monde. L'illettrisme est-il un symptôme social ou culturel ? Un symptôme du sujet au sens psychanalytique (inhibition, refus d'apprendre…) ? Est-ce les deux ? Qu'est-ce que l'appropriation d'un savoir ?
Ces deux journées de colloque ont favorisé la rencontre de chercheur·euse·s, de penseur·euse·s et de praticien·ne·s (formateur·rice·s, animateur·rice·s, psychologues, psychanalystes) qui ont des approches différentes de ce qu'on appelle « les problèmes de l'illettrisme » afin de créer des passerelles interdisciplinaires et de questionner notre rapport à l'écrit. Ce croisement des connaissances et des pratiques met en évidence que le clivage lettré-illettré peut paraitre complètement arbitraire et simplificateur, et qu'il peut dénaturer la réalité.[-]