Les auteurs, membres de ATD Quart Monde, nous introduisent dans la vie d'hommes et de femmes illettrés. Ils proposent des moyens pour construire un monde où le savoir est partagé.
Que représente l'illettrisme dans la vie quotidienne des gens très pauvres ? Pourquoi dissimulent-ils généralement leurs difficultés de lecture et d'écriture ? Quelle est la honte qui les taraude ? Mais voyez surtout les forces qu'ils déploient, les savoir-faire qu'ils possèdent déjà sans toujours s'en rendre compte, les victoires qu'ils remportent.
Ce livre interpelle le regard que l'on pose sur les personnes qui ne maîtrisent pas la lecture et l'écriture et en particulier celles qui vivent dans la misère. Il invite chacun à voir cette population comme des hommes, des femmes, des jeunes, des citoyens à part entière, à les regarder comme des travailleurs effectifs et potentiels. Il raconte comment sont nés les " Comités Lire et Ecrire " dans le cadre du Mouvement ATD Quart Monde en 1978, " pour montrer à ceux qui n'y croient pas qu'il est possible d'apprendre à lire et à écrire quand on n'a jamais su ". Le Mouvement ATD Quart Monde n'a pas pour vocation l'alphabétisation. S'il a créé ces Comité, c'est pour s'engager résolument contre l'idée d'une population fatalement condamnée à rester ignorante et illettrée, dans l'espoir que d'autres prendraient le relais.
L'ouvrage explique l'approche de la " pédagogie de la réciprocité " par laquelle des hommes et des femmes se mettent ensemble dans la conviction que " chacun a quelque chose d'important à lui apprendre ". Il est pour une bonne part le fruit des travaux d'un groupe de travail de quatre années, constitué en 1978, pour approfondir la compréhension de l'illettrisme chez les plus défavorisés. La mission de ce groupe était avant tout de percevoir le vécu et les attentes des illettrés. En contact quotidien avec les familles, ses membres apprirent patiemment à comprendre, intérioriser et traduire la pensée, les comportements et les espoirs d'un milieu face à l'illettrisme. Les plus défavorisés attendent des êtres prêts à faire cause commune avec eux en les aidant à acquérir les moyens de leurs luttes. Le livre relate toutes les péripéties, tous les engagements des très pauvres pour acquérir le savoir, il relate leur passion de s'instruire et de partager ce qu'ils savent avec d'autres et fait une large place à des témoignages vivants. Il souligne l'importance des enjeux d'une qualification professionnelle et relate des parcours qualifiants et des projets professionnels de personnes très démunies, en s'interrogeant sur les objectifs et exigences que doit se donner la formation qui vise de tels projets. Il nous aide aussi à redécouvrir les enjeux de la maîtrise de la lecture et de l'écriture pour la dignité de l'homme dans nos sociétés industrialisées. Mais l'enjeu, pour plus d'un parmi les protagonistes de ce livre, n'était pas seulement personnel. Il s'agissait, et s'agit toujours, de montrer et faire comprendre aux responsables politiques de tous les niveaux (local, national, européen et international) que ce combat contre l'illettrisme est d'abord un combat pour l'exercice de la citoyenneté de chaque personne et sa reconnaissance comme partenaire dans la société. Cela implique des investissements en personnes et donc financiers. En fait, ces appels ont été entendus. Le groupe de lutte contre l'illettrisme en France, le développement de Lire et Ecrire et des différents opérateurs en alphabétisation en Belgique francophone grâce au soutien des autorités publiques, etc. en témoignent. Il y a, cependant, encore beaucoup à faire pour rejoindre les plus démunis.
Ce livre a plus de vingt ans, toute une jeunesse, et il est toujours, ô combien, d'actualité.
Il engage chacun à croire dans les capacités de toute personne.[-]

Ce livre écrit en 1970 pose déjà les questions auxquelles nous tentons toujours de répondre en 2013,

"Alphabétiser ... Nous commençons un soir, entraînés par un ami ou hasard d'une rencontre, pour répondre à une situation que l'on ressent comme un scandale. Nous découvrons alors un monde d'une complexité insoupçonnée que les meilleurs reportages ne peuvent que laisser entrevoir. Mois après mois, nous évaluons notre action et apprenons que sur un million d'analphabètes, moins de 60 000 sont touchés par des cours. Nous sentons qu'il faut définir l'enseignement en accord avec ces adultes et que la notion même d'alphabétisation doit être précisée. S'agit-il de débrouiller des individus, de les aider à améliorer leur qualification professionnnelle, ou de quelque chose de beaucoup plus vaste ? L'étranger a-t-il réellemnt des chances de devenir autre chose qu'un manoeuvre ou un ouvrier spécialisé après qu'il ait appris à lire et écrire ? Et d'ailleurs, est-il possible d'enseigner à lire et à écrire si l'étranger ne sait pas parler ? Comment corriger alors les erreurs de prononciation et de syntaxe qui rendent presque incompréhensible la communication ? Des techniques nouvelles s'imposent pour résoudre ces difficultés. Mais si cette adaptation aux besoins réels des étrangers peut se faire rapidement, quel sera le contenu de cet enseignement ?
De quoi parlera-t-on ? De leur vie, de la nôtre ; de leurs raisons d'émigrer, des nôtres pour les rencontrer, de celle de la france pour les faire venir et les employer ? Cela conduit à une révision de l'image habituelle de la culture, de l'animation, de la médiation entre minoritaires et détenteurs du pouvoir. Et l'alphabétiseur, comment se situe-t-il dans cet échange culturel ? "[-]