"Une précarité permanente qui n'aurait plus rien d'exceptionnel ou de provisoire. On pourrait l'appeler"précariat" cette condition sous laquelle la précarité devient un registre propre à l'organisation du travail.1 "
Retour sur ce concept, proposé par le sociologue Robert Castel2, à l'occasion de sa visite à l'Université populaire de Bruxelles3. En quoi ce concept de "précariat" peut nous permettre de mieux comprendre notre réalité? Est-il en phase avec le glissement vers l'État social actif? Peut-il donner un sens nouveau au travail social?[-]

Le titre de ce numéro du Journal de l'alpha est placé sous une double ponctuation.

Un point d'interrogation d'abord, raccourci de multiples questions sur les publics de l'alphabétisation – ceux qui sont en formation, ceux qui n'y sont plus, ceux qui pourraient y être mais ne le sont pas... – et sur nos pratiques, leur pertinence, nos modalités d'action, nos moyens...

Un point d'exclamation ensuite, pour réaffirmer le droit à l'alphabétisation pour tout adulte qui le souhaite, qui résonne comme un rappel du droit fondamental de chacun à acquérir les savoirs de base, et qui revendique la nécessité de politiques concertées à hauteur de l'enjeu de la persistance de l'analphabétisme.

Avec, en toile de fond, un fil rouge aujourd'hui récurrent : le constat d'une vulnérabilité sociale croissante des publics de l'alpha, conjuguée au « paradigme » de l'État social actif qui, au travers de différentes politiques ciblées, exerce une violence institutionnelle de plus en plus dure envers ceux qui sont les plus exposés aux mutations socioéconomiques.[-]

En Fédération Wallonie-Bruxelles, l'alphabétisation des adultes est née dans le monde du travail, à partir d'initiatives associatives locales – que nous appellerions aujourd'hui citoyennes – à destination des travailleurs immigrés pas ou peu scolarisés dans leur pays d'origine. Rapidement les organisations syndicales ont joué un rôle structurant, attachées à permettre à chaque travailleur de s'« alphabétiser » afin d'améliorer leur situation et de s'inscrire dans le vaste mouvement de conquête des droits sociaux, économiques, politiques et culturels. Dans les décennies qui suivront, les questions centrales porteront sur la reconversion, le reclassement professionnel et l'insertion socio­professionnelle dans un marché de l'emploi de plus en plus restreint, fluctuant et exigeant.

Ce numéro du Journal de l'alpha rassemble les constats, met en exergue les difficultés rencontrées mais aussi les combats à mener et les leviers d'action nécessaires pour améliorer l'accès à l'emploi, à la formation qualifiante et à l'accompagnement socio­professionnel des personnes en situation d'illettrisme.[-]

Dans la foulée de la critique de"l'État-providence", l'idée d'un "État social actif" apparaît en Belgique autour des années 2000. Cette nouvelle conception du rôle de l'État, portée notamment par Frank Vandenbroucke, est devenue déterminante. C'est elle qui guide aujourd'hui le travail social, la gestion de pans entiers de notre société, y compris donc le traitement de la précarité, et l'action des associations. D'où l'utilité de revenir sur ce concept pour mieux comprendre un certain nombre de contradictions dans lesquelles l'associatif (sur)nage aujourd'hui. [-]

Des recherches menées pour l'évaluation du Plan d'accompagnement et de suivi des chômeurs confirment les craintes des organisations syndicales et des milieux associatifs. Ce genre de dispositif, surtout lorsqu'il n'est pas suivi d'embauche, altère le bien-être des personnes et provoque honte et culpabilité. La situation économique actuelle est loin d'être associée au plein-emploi. Diverses données indiquent que certaines régions de l'Union européenne sont davantage touchées que d'autres. C'est le cas notamment de la Wallonie où le taux de chômage atteint des niveaux particulièrement élevés (Liénard, 2007). Devant l'ampleur du problème, les pouvoirs publics ont déployé, depuis une trentaine d'années, de nombreuses mesures. Les efforts se sont essentiellement portés dans deux directions. L'une concerne le développement de l'esprit d'entreprise : elle fournit une aide au démarrage et à la gestion des entreprises, soutient la création d'emploi et abaisse les charges sur le travail. L'autre s'adresse directement aux chômeurs : elle vise l'insertion professionnelle et porte ses efforts sur la mise à disposition de formations professionnelles, d'ateliers de recherche d'emploi, de stages…
[résumé proposé sur le site ResearchGate: http://www.researchgate.net/publication/234065023_Bourguignon.indd page consultée le 19 février 2013][-]